Revue de l'art brut, des créations singulières, de l'art populaire et des expressions marginales ou bizarres. Art outsider, hors-normes, singulier…

Jovi Charreau

Salut à Jovi Charreau

Salut à Jovi Charreau

Salut à Jovi Charreau

Je me souviens de cette balade dans le vieux Cahors avec Pierre Duclos.

Nous étions entrés dans cette étrange boutique de la Rue Nationale où tout semblait figé depuis des années et où, au reste, on ne savait plus bien ce qui pouvait s’y vendre ou s’y être vendu… Mais le créateur du « Canard de Nantes à Brest » – pas plus que moi – ne s ‘y était trompé: il y avait là matière à découverte!

Gazogène n°03 a déjà décrit cette boutique, nous y renvoyons donc. Pour Pierre Duclos, le mieux est de lire son dernier livre – avec Georges Martin – qui dresse la plus exacte biographie de Piaf. Mais revenons à notre propos : depuis quelques semaines je ne voyais plus la frêle silhouette chapeautée se rendant à la cathédrale ; signe plus inquiétant : la boutique était dans l’obscurité… C’est alors que nous avons été contacté par le neveu de Madame Veuve Charreau ; celle-ci était tombée dans son escalier, avait été conduite à l’hôpital de Cahors. Là, au bout de quelques heures, cette brave femme reprend ses esprits, se lève pour se rendre comme chaque jour sur la tombe de son mari … Mais vous n’y pensez pas ! L’hôpital de Cahors la fait rechercher et on la ramène, illico presto, sur son lit ! Une seconde fois, Madame Charreau repart en direction, cette fois ci, de la cathédrale pour prier, comme elle le fait chaque jour, son mari … Pour la seconde fois elle est rattrapée et cette fois-ci… elle est attachée sur son lit. En moins de 48 heures cette femme valide qui avait une vie sociale réelle est devenue un légume incontinent… HONTE! HONTE à nous ! J’ajoute que Madame et Monsieur Charreau se replièrent sur Cahors pour participer à la Résistance contre le nazisme… HONTE! HONTE à nous ! Mais la suite fut encore plus cruelle ! Toute l’œuvre de Georges Charreau, livrée à l’encan ! Une vie de maquettiste et de « bricoleur » inspiré… Heureusement, Valérie et moi avons pu sauver l’essentiel de l’œuvre créatrice, à savoir les dioramas.

Nous avons avec cette création un mélange d’art singulier, populaire et brut; un véritable « homme du commun à l’ouvrage » … Affligé par l’absence de réaction consécutive à cette « disparition », chaque exemplaire de ce numéro comportera une figurine originale de Monsieur Charreau.

Diorama de Jovi Charreau
Un diorama de Jovi Charreau

Mais revenons à ces dioramas de Georges Charreau : si la boutique servait de couverture durant l’occupation, ce dernier n’en exerçait pas moins ses talents de maquettiste mais aussi de créateur comme en témoignent les nombreuses œuvres pyrogravées qu’il a exécutées et dont quelques exemplaires subsistent.

Les dioramas ont été conçus comme des jeux éducatifs : à partir d’un socle on bâtissait un théâtre miniature dont les fonds pouvaient varier à l’infini au gré de notre fantaisie; puis dans des rainures se plaçaient des décors ou des personnages qui pouvaient également se ficher dans de petits supports qui les rendaient autonomes. Parmi les thèmes on trouvait les Provinces françaises, les territoires d’outre-mer et Africains, des scènes historiques; le tout culminant avec la série des Martiens, la seule, semble-t-il, à avoir bénéficié d’une boite complète…

Dans notre galerie de portraits des « hommes du commun à l’ouvrage », Georges Charreau tient sa place, celle d’un modeste inventeur de jeux et de rêves, celle d’un humble artisan du quotidien, qui n’avait qu’une chose à défendre et à transmettre : la liberté !

Jean-François Maurice
Gazogène n°09