Revue de l'art brut, des créations singulières, de l'art populaire et des expressions marginales ou bizarres. Art outsider, hors-normes, singulier…

Édito

ÉDITO

Gazogène n’a aucun penchant pour les commémorations et même, admirant le bizarre, l’hétérogène, l’inégal, a le plus grand «respect» – on voit bien que les guillemets sont là pour nos nouveaux abonnés, les autres les auront mis d’eux-mêmes – pour tout ce qui se situe hors les normes, les anniversaires et autres festivités.

Cependant comme nul n’est mieux servi que par soi-même – et l’on sait bien que dans le petit milieu de l’art dit «singulier» cette façon de faire est aussi répandue que le renvoi d’ascenseur dans l’art académique – Gazogène ne va pas manquer de sacrifier à cette détestable mode avec toutefois l’ironie qui y convient.

Mais de quoi s’agit-il ? Tout simplement Gazogène fête son numéro 20 !

Le premier, et pratiquement le seul daté, porte : « Juillet 1991 ». De nombreux lecteurs m’en ont fait la remarque : pourquoi cette absence de date ? Comme nul ne l’ignore, Gazogène est affaire de cœur et parmi ceux qui ont compté dans mon existence, il y a Marcel Béalu. Ce dernier lorsqu’il réalisait avec René Rougerie sa revue, Réalités Secrètes, ne la datait jamais, pensant que les textes publiés n’avaient pas d’âge ! Je ne peux en dire autant car je sais que les œuvres dont je parle sont éphémères, ô ! Combien ! Mais elles sont aussi «hors d’âge» comme on dit d’un vieux Cognac ou d’un vieil Armagnac.

Cependant, comment concilier la subjectivité qui est de mise dans la réalisation de cette revue et cette absence de date. Le conducteur de Gazogène se croirait-il immortel ? Oh que non ! Mais comme me le disait une amie abonnée : « On n’a que l’âge de son désir ! ».

À part l’éphémère, je veux dire le petit insecte qui ne vit qu’une nuit, il n’y a pas plus éphémère qu’une revue. Je ne parle pas des revues de poésie, non simplement des revues en général. Mais durer n’est pas une fin en soi, encore faut-il qu’un projet puisse réunir quelques actifs participants. Bref qu’une prose, qu’un poème, qu’une information trouve un minimum de lecteurs et d’acheteurs car je ne crois pas aux piles qui dorment sous le matelas ! Les Rimbaud sont rares et l’artiste maudit une invention du XIXème siècle ! Du reste, au risque de me répéter, les maudits ne font pas partie de l’Art Brut mais au contraire sont les symboles, les symptômes plutôt, de l’esthétique traditionnelle depuis l’époque romantique.

Une nouvelle fois depuis ce mythique numéro 1 nous avons cherché à présenter un véritable patchwork d’artistes aussi bien dans les arts plastiques qu’en littérature. À chaque lecteur d’y trouver son compte, d’y flâner à sa guise, de reconstituer les mystérieuses passerelles entre les créateurs ou de fantasmer d’étranges filiations.

Jean-François Maurice
Gazogène n°20