Revue de l'art brut, des créations singulières, de l'art populaire et des expressions marginales ou bizarres. Art outsider, hors-normes, singulier…

Michel Dalmaso

Les Méli-mélodies de Michel Dalmaso

JE NE ME SOUVIENS plus comment je suis entré en contact avec Michel Dalmaso. Mais, petit à petit une correspondance a commencé. Sans doute y avons-nous été, chacun de notre côté, de nos petites confidences, de nos échanges de dessins et de gravures, de nos longueurs d’onde, de nos petites musiques tantôt Jazz, tantôt Blues… au point que maintenant une lettre de lui est comme la missive d’un ami lointain, du bon copain qui fait signe dans la joie comme dans la peine.

Aujourd’hui, comme au temps de sa rencontre avec Jean Dubuffet, Michel Dalmaso a un bel embonpoint, un bon estomac de jovial buveur de bière. Malgré l’âge qui commence à compter, 54 ans à ce jour, le cheveu châtain est sans poil blanc, comme la barbe. Et pourtant, il aurait eu de quoi s’en faire des cheveux blancs tant la vie ne lui a pas fait de cadeaux !

MICHEL DALMASO dessine, peint et assemble mais c’est autour de la musique et grâce à elle qu’il a noué des relations avec l’inventeur de l’Art Brut car il est d’abord musicien de jazz au piano, à la clarinette sans parler d’autres instruments des plus divers. Quant à la « Musique Chauve » de Jean Dubuffet, elle l’ébahit encore à ce jour.

C’est par elle que nous le voyons apparaître sous la plume de Jean Dubuffet dans les « Lettres à J. B. » (Herman, 1991) à la fin des années 70 :
« Paris, 27 février 1978
(… )
J’ai eu la visite d’un gros garçon barbu de 33 ans, du genre marginal, avec un ventre comme une barrique; il habite Rouen; il est joueur de jazz (flûte traversière) et professeur de piano jazz à la Maison des Jeunes Rive Droite. Il enregistre par ailleurs sur cassette des musiques « brutes » qu’il exécute à partir d’instruments de sa fabrication. Les instruments sont ingénieux. Spectaculaires aussi. Il fait avec deux camarades, des improvisations…  » (pp, 303-304)
« Paris, 10 mai 78
(. .. ) Il se tient à Rouen une ,exposition de Dalmaso, peintures et dessins et aussi musique…  » (p. 309).

Vingt ans plus tard, Michel Dalmaso continue de créer. Des musiques mais aussi des sculptures réalisées avec des objets de récupération, des assemblages faits avec des rebuts de notre société industrielle, mais – sur tout de mon point de vue – à distance des peintures et des dessins.

Michel Dalmaso, dessin,  feutre sur papier d'écolier

Dessin feutre noir sur papier d'écolier

CEUX-CI REPRÉSENTENT des personnages, des visages, des yeux, des trognes plutôt, qui semblent surgir d’entrelacs au feutre noir. Mais cette juxtaposition se redouble de collages, d’assemblages qui utilisent des papiers de diverses consistances, épaisseurs ou nature. On y trouve aussi bien des papiers glacés, des Bristol, du papier d’aluminium, d’argent, de cellophane… Ensemble étrange, insolite et pourtant harmonieux où notre regard se perd, se retrouve, avance comme en suivant un fil mystérieux qui serpente sous ces assemblages d’empreintes, au milieu de superpositions d’éléments disparates.

Ajoutons que l’ensemble est souvent rehaussé de couleurs obtenues par des marqueurs et autres surligneurs créant des signes acides, fluorescents et acidulés du plus insolite effet. Nul doute que les produits de grande consommation pour élèves des Écoles et Collèges ne soient mis à contribution… sans parler d’autres douceurs comme les bonbons, le chocolat et autres gâteries !

Mais ce n’est pas tout : il arrive à Michel Dalmaso de découper ensuite, encore, tous ces riches matériaux, de les recoller, les contre-coller en fonction d’une mystérieuse alchimie interne, de nouvelles structures à lui seul connues.

Et le résultat est là : exubérant, drolatique, dérisoire et tragique… en un mot d’une insolente créativité.

Michel Dalmaso, peinture, Gazogène n°18

Peinture de Michel Dalmaso

 

Jean-François Maurice
Gazogène n°18