Revue de l'art brut, des créations singulières, de l'art populaire et des expressions marginales ou bizarres. Art outsider, hors-normes, singulier…

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Précisions…

PRÉCISIONS

sur Gazogène

La revue Plein Chant dans son numéro 57/58 a employé à propos de Gazogène l’adjectif « hétéroclite ». Certains ont pu penser qu’il y avait là quelque connotation péjorative. Quant à nous, nous ne pouvons que reprendre avec plaisir un tel jugement ! Car, que dit le Dictionnaire ? « HÉTÉROCLITE. Qui s’écarte des règles de l’art : bâtiment hétéroclite. Fait de pièces et de morceaux ; bizarre : amalgame hétéroclite. »

Cette définition nous va comme un gant car, au sens propre, c’est ainsi que Gazogène est fait !

En 1947 Jean Dubuffet écrivait à Jacques BERNE : « … Ce à quoi on aspire-c’est à quelque chose qui serait probablement mal foutu, informe, maladroit, plein de fautes et de zigzags, comme tout ce qui débute, mais qui aurait de la vitamine, de la vitamine propre, du terroir propre, et qui prendrait fièrement la mer sans pilote à bord. Ça se pourrait bien que ça soit dans ces villes de province que prennent un de ces jours naissance des mouvements comme ça… » (Lettre d’un portraitiste à un scorpion, L’Échoppe, 1993).

Nous espérons qu’il y a un peu de ça dans Gazogène !

Au risque de me répéter, encore quelques précisions :
Gazogène
n’est pas une « revue » au sens propre, n’est l’émanation d’aucun groupe, d’aucune structure, d’aucune association et n’a, de ce fait, de compte à rendre à personne.
Au départ, Gazogène ne devait être qu’un petit opuscule distribué aux amis et relations. Ce sont ses destinataires qui, par leurs envois, en ont fait un support, une « revue ».
Son titre est déjà un refus de tout concept. Ce qui n’implique nullement l’amnésie de ses origines ! Tout d’abord DADA ! (La revue Manomètre, dadaïste ET provinciale, nous revient en mémoire)
Avec DADA c’est tout un courant subversif et libertaire, anarchiste individualiste, c’est aussi le pacifisme et la compassion pour tous les exclus, les suicidés de la société : Cravan ou Vache, Crevel. Mais aussi Le Facteur Cheval ou Picassiette.

Dois-je avouer que, si j’ai lu avec intérêt les écrits Surréalistes, j’étais aux antipodes quant à leur forme narcissique et ampoulée ?
Comment de telles idées ont pu s’exprimer d’une façon si classique ;  que dis-je : si rhétorique, si Cicéronnienne, allitération comprise ! Je n’ai pu en avoir idée que grâce au Mai 68 de mes vingt ans quand des idées subversives qui portent encore aujourd’hui leurs effet bénéfiques s’exprimaient dans une langue de bois, le plus souvent, à l’effet fort comique. Rétrospectivement !

À cette même époque, je découvrais Asphyxiante Culture de Jean Dubuffet, mais également, et pêle-mêle ,les auto-constructeurs, les communautés, la Beat-Génération et j’en passe et des meilleurs !

Jamais je ne crois avoir démérité dans cet effort de vivre autrement. Certes, j’ai des regrets, des occasions manquées, des ruptures malencontreuses, des blessures secrètes, des propos outranciers, mais rien qui à mes yeux est lâcheté ou abandon…

Les créateurs présentés ici sont le reflet non pas de mon éclectisme mais des différentes facettes de ma sensibilité, des différentes formes de la création que j’aime. Une succession d’éléments constitutifs, peut-être, d’un authentique « Art Brut » aujourd’hui disparu ?

On remarquera également que Gazogène consacre une part de ses pages aux littératures marginales, que ce soit la littérature prolétarienne ou les correspondances plus ou moins intimes. Sans juger de la qualité de ces textes, j’ai voulu donner une place à des écrits le plus souvent exclus des circuits officiels de la littérature.

Enfin, Gazogène fait une place à ce qu’il est convenu d’appeler « art populaire », au modeste art élémentaire trouvé le plus souvent au bord des routes, au fond des jardins, dans l’anonymat des banlieues… Cet amour des créations populaires va même jusqu’à englober les manifestations de la dévotions : croix de chemins, sanctuaires ruraux, oratoires oubliés…
Cette diversité d’intérêts n’est donc qu’apparente n’en déplaise aux esprits chagrins !

Place maintenant aux différents créateurs exposés : ils vont de l’art brut au surréalisme en passant par l’art naïf, l’art singulier, la neuve invention, la création franche… etc., mais surtout : la création, la vraie, la neuve, l’inventive, l’unique, la singulière, la populaire, la marginale, la médiumnique, la libertaire ; .. la création quoi !

Jean-François Maurice
Gazogène
n°16


Tour de France de quelques bricoles poétiques (inédits) en plein air

Tour de France de quelques bricoles poétiques (inédits) en plein air

par Bruno Montpied

Sillonner la France dans toutes les directions permet de trouver encore de nombreux messages attardés, datant des anciennes civilisations rurales. Si l’on y prenait garde, cela permettrait à ceux qui ne veulent pas perdre le fil de la tradition quant à un certain savoir-vivre collectif, imprégné d’innocence et d’émotion poétique, de recueillir le témoignage qui est encore là, aujourd’hui, sous leurs yeux, mais jusqu’à quand ?

Sillonner la France… et l’Europe ! Ces messages ont parfois de fort curieuses manières de se manifester. J’ai vu il y a peu un film suédois du cinéaste Bille August, intitulé Les meilleures intentions.Dans certaines scènes, l’action se passant dans un village du grand nord suédois, on aperçoit en arrière-plan, sur les boiseries d’un presbytère et sur le mur d’une chapelle, des fresques un peu passées, d’allure parfaitement naïve, à motifs religieux, naturellement. Inutile de dire qu’à aucun moment le cinéaste ne renseigne le spectateur sur ce qui n’est dans son film qu’un décor prouvant la rusticité du lieu de l’action. Où trouver, si ce n’est au fond d’une bibliothèque, de la documentation plus précise sur ce genre d’art populaire suédois ? Comme je l’ai écrit ailleurs (Gazogène n°05, l’article Miroir de l’immédiat), la recherche de l’art populaire s’avère bien un véritable parcours du combattant !

Petite paysanne portant besaceJ’ai aimé, un jour, faire une autre découverte, assez minime certes, mais digne d’être mentionnée dans ce petit parcours consacré précisément aux « bricoles » de plein air. Pas tant pour la découverte elle-même que pour la façon dont elle fut faite… Peu de temps avant d’aller à Auray, en cherchant à visiter la maison de Marie Henry, au Pouldu, cette ancienne auberge où avaient vécu, et créé, en commun Gauguin, Filiger, Meyer de Haan et quelques autres artistes « cloisonnistes », post-impressionnistes de la fin du siècle dernier (ils créaient en commun, préfigurant les expérimentations collectives de groupes d’artistes comme COBRA dans les années 50 du vingtième siècle , influencés comme eux par l’art populaire environnant), et la trouvant fermée, par malchance, Marie-José et moi tombâmes en arrêt devant une sculpture représentant une petite paysanne portant besace plantée sur un pilier en clôture de la route où nous passions. C’eût été dommage de l’oublier, non ? (le hasard ayant voulu ce jour-là nous offrir la découverte d’une œuvre populaire inconnue alors qu’il nous refusait dans le même temps l’accès aux œuvres plus « historiques ». C’était comme un juste retour de balancier…) .
Paysanne portant besace

J’aime trouver autre chose que ce que j’étais venu chercher. Comme on le sait, Picasso a fait des émules… Il en va en matière de dérive à l’affût d’art populaire comme de la peinture. On fait parfois seulement semblant de chercher.

Notez que les trouvailles ne se révéleront qu’à ceux qui ne se refusent à traverser aucune terre ingrate…

L’art, qui n’est pas de l’Art au sens où l’entend l’esthète (toujours affamé de génuflexion devant les icônes des musées et de la Culture sacralisée), l’art inconscient, primitiviste, pousse partout. Il ne suppose en fait aucun prosélyte, aucun missionnaire (quel que soit son obédience). Il vit sa vie,comme le chiendent. En parler vise entre autres à souligner le paradoxe: qu’il existe une activité créatrice qui se passe totalement de médiation et de commentaires, mais que l’on désire cependant faire connaître… Décrire et commenter ce qui se passe radicalement de description et de commentaire… On voit d’ici tous les malentendus qui s’élèvent…

Au hasard d’une conversation avec Roland Nicoux, l’actif animateur de l’Association du Plateau des Combes à Felletin, passionné par le cas de François Michaud, ce tailleur de pierre naïf originaire de Masgot dans la Creuse, j’appris qu’il existait d’autres sculptures de style populaire dans la région creusoise (quoique de moindre importance et en moins grande quantité). Roland Nicoux, après une réunion de travail sur le livre que nous préparions sur Michaud (sortie prévue au printemps 1993 aux éditions Lucien Souny), fit découvrir à quelques mordus des surprises de bord des routes, outre les sculptures du cimetière de Gentioux (entre autres le tombeau de la famille de Jean Cacaud, autre tailleur de pierre, comme François Michaud), cette femme de granit qui se dresse dans un jardin à Bellegarde, due au ciseau d’un troisième tailleur de pierre, nommé Alexandre Georget. Originellement, cette statue aux proportions imposantes, qui paraît inachevée (un de ses bras tient une faucille, le drapé de sa robe semble seulement esquissée), se tenait ailleurs. Elle devait décorer un bassin dans le jardin de son créateur qui habitait Lascaux, dans la commune de Moutier-Roseil, toujours dans la Creuse,et donc rien à voir avec la préhistoire…

Malheureusement, la camarde en décida autrement et emporta le sculpteur dans l’au-delà. La statue qui date, semble-t-il (toujours selon Roland Nicoux), de la fin du siècle dernier, fut transférée par la suite à Bellegarde chez un cousin de la famille de Roland Nicoux,ce qui nous permet de la voir encore aujourd’hui, se dressant, insolite, devant une villa qui, il faut bien le dire, n’a que peu de rapports avec elle…

Combien d’œuvres anonymes, naïves ou insolites, attendent, encore ignorées, au fond des innombrables interstices de notre géographie familière ? Le photographe Patrick Riou, à qui je vins un jour poser la question (à la suite, du reste,d’un autre parcours du combattant), lors d’un passage à Toulouse -je cherchais à en savoir plus sur ses repérages de sites d’art brut dans le Sud-Ouest (cette recherche n’a jusqu’ici malheureusement pas fait l’objet d’une suffisante publicité)-  Patrick Riou, donc, me répondit que selon lui le nombre des sites d’art inspiré n’était vraiment pas quantifiable. À bien réfléchir à cette opinion, on finit par conclure que cela vaut mieux. L’idée d’une création à l’infini, une création de qualité bien entendu, dont seul un infime bout émerge sous le regard cupide et violeur des médias, l’idée est plaisante.

Un dictionnaire centré sur la question -et je ne doute pas qu’il paraisse un jour- ne pourrait pas, et de loin, épuiser tant les réponses sont illimitées, comme les situations L’inventaire, par nature, ne peut se clore. Pas plus qu’on ne la vie sous l’œil d’un microscope.

galette de béton, par M. BrandtGalette de béton, par M. Brandt.

Qu’est-ce qui explique que M.Brandt, habitant de Germigny, pour décorer sa maison -très succintement, selon Marie-José Drogou, Jacqueline et Raymond Humbert du Musée des Arts Ruraux de Laduz qui m’ont aimablement fait connaître l’existence de ce créateur, et ce qui reste de son œuvre (la sculpture de l’illustration reproduite à la page précédente fait partie de la collection du Musée de Laduz, et fut présentée notamment à l’occasion des expositions La Marine populaire, au Musée (1991), et Art Populaire Insolite, œuvres de patience, à la Maison du Coche d’Eau (1975-1976), qui fut le premier espace muséal où la famille Humbert amorça la présentation de ses collections d’art populaire)- qu’est-ce qui explique, donc, que M.Brandt ait choisi le béton, épais, pour réaliser ses travaux, si personnels et pourtant, si légers ? On dirait que pour rendre cette naïveté du sujet, si redoutable devant les tabous d’un certain code de conduite masculine (et qui fait néanmoins penser aux travaux de patience des marins d’autrefois, bien que l’œuvre fût réalisée loin de la mer, aux limites de la Bourgogne), il fallait que ce soit incarné de la façon la plus tangible, dans la matière la plus lourde, la plus dense, faute de quoi M. Brandt, et l’entourage dont il imaginait les réactions, n’auraient pas admis la réalité de son audace.

À ce sujet, j’aime assez ce qu’écrit l’auteur d’un livre sur l’art populaire tchécoslovaque, richement illustré (les photos sont signées Alexandre Paul et montrent toutes des objets extraordinairement émouvants), que j’ai récemment acquis par hasard dans un marché aux livres anciens (l’auteur : Karel Šourek), sur l’écart existant entre le besoin qu’un autodidacte a de s’exprimer et les moyens qu’il met en œuvre pour ce faire : « Et plus simple, plus primitive est la matière employée, la conception et l’exécution de l’œuvre, meilleure est-elle en tant qu’exemplaire de l’art populaire, car plus grande est la différence entre le besoin d’un homme ordinaire d’exprimer quelque chose et ses possibilités d’exécution, plus fort ce besoin devait-il être, plus grande devait être l’émotion sous-jacente. » (L’art populaire en Images, éditions Artia, Prague, 1956.)

Plus forte et plus originale est aussi l’œuvre obtenue par l’homme auquel pense Karel Šourek. J’ai envie, ici ; de convoquer un autre avis, celui de Valérie Chanut qui a écrit des remarques fort sensées dans le dépliant que le tout jeune musée d’art naïf de Noyers-sur-Serein édita au bout de ses trois premières années d’existence, cette fois à propos des créateurs dits « naïfs »:
« [Le peintre naïf] ne possède aucun savoir pictural, il est autodidacte, il doit donc s’improviser peintre ; ignorant, il doit réinventer l’art […]. (Il) va donc créer sa propre logique de représentation. […] La peinture naïve abonde en interprétations de l’espace, elle fournit un répertoire de solutions allant de l’exactitude quasi photographique à la simple juxtaposition des éléments. » (1991).

Sculpture d’Alexandre Georget

On le voit, le créateur spontané, peintre,sculpteur ou architecte, réinvente le monde à partir de zéro. C’est sa force, et parfois aussi, pour les moins doués, sa faiblesse. Autant on trouve un nombre illimité de créateurs, et dans des lieux où l’on ne s’attendrait vraiment pas à leur tomber dessus (comme dans ce parc préhistorique légèrement délirant et bouffon, où se cache en filigrane un esprit humoristique et taquin, appelé Cardoland, et situé à Chamoux-Vézelay, non loin de la merveille romane bien connue), autant les solutions que les créateurs trouvent, qu’ils se découvrent posséder à leur grande surprise, paraissent elle-mêmes d’une nouveauté sans limites. Dans l’art populaire plus qu’ailleurs, l’invention humaine paraît repousser les frontières…

Ici, je pense à nouveau  au livre de Karel Šourek, mentionné ci-dessus. En particulier, je voudrais faire partager à mes lecteurs mon étonnement devant une de ses illustrations représentant, nous dit la légende, « Un chandelier de noces de Slovaquie ». Cet objet, visiblement destiné à servir de cadeau de mariage, n’est-il pas étrangement conçu, les bougies, le petit cheval de bois avec son cavalier, et pour couronner le tout, cet arbre artificiel s’élevant tel un échafaudage de hasard ?

On n’en finirait pas de montrer comment l’art populaire depuis longtemps avait trouvé des techniques de représentation (le collage, par exemple, les assemblages dans les boîtes, etc.) qui ne furent employées dans l’art moderne du vingtième siècle qu’avec beaucoup de retard, et en organisant, de plus, tout un tapage ridicule autour…

Car encore aujourd’hui, les artistes contemporains gagneraient beaucoup à aller voir du côté de l’antique art populaire… Ils y gagneraient définitivement, s’ils parvenaient à cette occasion à perdre de leur superbe en acceptant de déposer leur couronne d’artiste, devenue aujourd’hui un symbole de fatuité et de prétention. Nous en serions enfin rafraîchis, et l’art redeviendrait un simple langage distancié inséré sans sacralisation dans nos vies quotidiennes.Texte et photos de Bruno Montpied

Texte et photos de Bruno Montpied

Pour finir, car il faut bien mettre une borne, alors pourquoi ne pas le faire sous forme de queue de poisson, je lève mon verre à tous les créateurs populaires, anonymes ou non, à qui je dois tant de merveilleuses découvertes, et en premier lieu à l’ami Charles Billy, disparu récemment, comme une photo inédite que je garde de lui m’y invite justement…Il se tient à jamais, buvant une bouteille de Beaujolais sur le monument d’hommage au vin du même nom qu’il venait, à l’époque de cette photo (1990),tout juste de commencer.
À ta santé, Charles Billy ! Et à la santé de tous ceux qui restent…

(Toutes les photos illustrant ce texte, sauf mention contraire, sont de Bruno Montpied. Elles sont toutes inédites.)

Bruno Montpied
Gazogène n°07-08


Petite promenade dans l’art populaire du Rouergue

Petite promenade dans l’art populaire du Rouergue

par Bruno Montpied

Art populaire du Rouergue : Bruno MontpiedArt populaire du Rouergue par Bruno Montpied

J’avais mal aux pieds, je me faisais vieux, me disais-je. Descendu des plateaux de l’Aubrac que j’avais découverts avec émerveillement quelques jours plus tôt (penser à ses vastes étendues coiffées de nuages tellement fessus qu’on les dirait nourris aux tripoux et autres aligots, spécialités du pays…), j’avais décidé de faire étape à Saint-Côme-d’Olt, voire, si le gîte devait m’y faire défaut, de pousser jusqu’à Espalion. C’était bien un peu plus loin, mais il me restait quelques réserves jusque-là. Saint-Côme-d’Olt se révéla effectivement sans possibilité d’hébergement à prix modéré. J’étais las, et cette fatigue peut-être avant tout morale, me retirait tout dynamisme dans la « communication ». Je n’ai jamais eu de goût non plus au jeu du chat et de la souris, du genre des hypocrisies conventionnelles où l’on fait assaut de politesses tout en essuyant force rebuffades en attendant que l’autre se décide à vous gratifier d’une faveur au départ inespérée… Les rares individus rencontrés à Saint-Côme auraient mérité une patience et une endurance au-dessus des moyens dont je disposais en cette fin d’après-midi harassée. Ma fatigue, le dégoût devant l’allure désagréable que prenait mon destin de « dénicheur » en ces lieux, furent cause sans doute de ce que j’oubliai qu’habitait en cette bonne ville (à ce que m’avait signalé naguère Jean Estaque) un sculpteur populaire autodidacte, appelé Jouve, ancien vacher semblait-il… Ma curiosité était aussi émoussée que le reste, trop émoussée pour que ma mémoire puisse fonctionner suffisamment.

À Saint-Côme, je fis par contre halte devant l’église principale du bourg, construite par le même architecte que celui qui a édifié l’ancienne église d’Espalion où s’abrite aujourd’hui le musée Joseph Vaylet (voir plus loin) 1.
Ce qui me frappa d’emblée, ce ne fut pas le clocher flammé (en vrille, ce qui a été noté par Pierre Bonte dans un de ses volumes de Bonjour, Monsieur Le Maire), mais les portraits, tels des profils de médaille, qui étaient sculptés sur les portes de l’église, incontestablement naïfs, datés de 1532, et qui n’avaient rien à voir avec les décorations habituelles des églises romanes ou gothiques. Les personnages qu’ils représentaient n’avaient aucun rapport avec l’illustration pieuse habituelle, ils ressortissaient plutôt d’un registre profane (peut-être était-ce là des figures des donateurs, des mécènes…). La naïveté de ces portraits me requinqua instantanément. Ils s’éloignaient fort du langage certes stylisé mais aussi codifié et uniforme de l’art roman. Ils étaient modernes. On sentait ici une patte personnelle. On sentait l’ individu qui commençait à apparaître (réapparaître ?) dans l’histoire de l’art. En même temps, peut-être, que les prémisses du capitalisme dans l’histoire économique et sociale… La ferveur religieuse dans laquelle se noyaient les artistes le plus souvent anonymement depuis la période des Grandes Invasions jusqu’à la Renaissance n’autorisait pas d’écart en dehors des normes de représentation. ois portraits exprimant une sorte d’hommage à un autre être humain (le donateur) parlaient des hommes tout à coup, et c’est cela qui m’en rapprochait et qui me fait parler aujourd’hui de leur modernité. Ce portail de Saint-Côme est un premier exemple d’art populaire moderne 2.

Ces profils ressemblaient aussi à des graffiti en bas-relief qui auraient été non pas tolérés par l’autorité religieuse mais tout au contraire commandés par elle. Ils rejoignent d’autres exemples de sculpture populaire, celle des artisans bretons anonymes qui au même moment s’employaient dans les différents enclos paroissiaux à orner les sablières, les jubés, les retables des églises dont se couvrait la Bretagne fraîchement rattachée à la France chrétienne. Sculpture populaire bretonne à la naïveté et à la truculence teintée de paganisme qui est souvent bien réjouissante mais qui, malheureusement, n’a pas encore eu les honneurs d’un ouvrage qui lui rende tout à fait justice (en se centrant sur son contenu rabelaisien, humoristique, en rappelant ses  analogies avec d’autres cultures ; je pense aux entrelacs vikings dont on croit reconnaître l’influence dans la petite chapelle de Saint-Nic dans le Finistère sud par exemple).

Ainsi remis en selle, je repris avec un surcroît de vigueur le bout de chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle qui me restait à faire en direction d’Espalion.
Comme par enchantement, le hasard se remit à me faire des signes.

La Croix du BuffreDébouchant sur un très beau chemin qui traversait le charmant village de Martillergues, à quelques centaines de mètres d’Espalion, je découvris une magnifique demeure rurale de l’ancien temps. Elle était protégée, semblait-il, par une croix de chemin fort naïve, malheureusement en voie d’écroulement définitif (combien de croix de chemin simplissimes sont semées à travers le Massif central ? J’en avais vu une, extraordinairement archaïque au cœur du causse Méjean, provoquant chez le spectateur une émotion brute d’autant plus puissante que le monument se trouvait isolé au milieu de l’aride, de l’ingrat causse ; c’était la croix du Buffre). La maison était belle. Mais son portail laissait voir en outre une inscription peu banale: « Au pacha sans harem ». L’original qui vivait là se faisait apparemment une gloire de son dénuement. J’appris plus tard à Espalion de Marc Lagaly que le pacha en question s’appelait Louis Cayssac et que, décédé très récemment, il a laissé une œuvre sculptée sur bois, divers tableaux en relief dont, par exemple, une grotte de Lourdes). Cela me rappela une ferme troglodytique que j’avais visitée naguère près de Denézé-sous-Doué dans le Maine-et-Loire, sur la porte de laquelle l’ancien propriétaire, vieux célibataire, avait écrit, en guise d’enseigne: « Au privé d’amour »…

La maison du Pacha

La maison du Pacha…

Je ne m’arrêtai pas et je descendis sur Espalion, les pieds et les jambes douloureux…

Le jour d’après, quelle ne fut pas ma surprise de constater que cette bourgade assez peu étendue n’en était pas moins pourvue de deux musées d’arts et traditions populaires… Ce qui me paraît un cas sans exemple… Le premier est un musée départemental avec des prétentions classiquement ethnographiques. L’autre est le musée Joseph Vaylet, déjà cité, qui lui ne prétend à rien du tout, étant pour tout dire un sympathique capharnaüm déguisé en musée d’art populaire régional où une chatte ne retrouverait pas ses petits.

Commençons par la visite du musée départemental du Rouergue, situé dans une ancienne prison dont l’architecture n’est pas sans imprégner l’état d’esprit des visiteurs. Voici ce que j’estimai digne de ne pas être oublié le jour de mon unique visite à l’été 1994…

Un tableau naïf représentant une famille à l’occasion d’un baptême, signé par un certain Germain, qui aurait été réalisé « aux environs de 1880 » selon le musée… Un deuxième tableau, dans une autre salle, non signé cette fois, est de toute évidence de la main du même peintre autodidacte du siècle dernier. Il paraît représenter les mêmes personnes que sur le premier tableau, ces personnages entourant le même bébé qui a, cette fois, le teint un peu plus verdâtre. Les deux peintures ont les mêmes teintes brunes et violacées, les visages ont des airs cubistes… Une salle était consacrée au bestiaire présent dans l’iconographie des églises romanes rouergates… En marge, mon attention fut attirée par des reproductions, exposées dans cette même salle, de dessins à la plume extraits de registres notulaires de notaires (d’un certain Pierre Galaubi par exemple, notaire à Naucelle vers 1487-1488), dessins qui sont de véritables fantaisies exécutées en marge de lettres, sortes de griffonnages machinaux, de dessins automatiques avant la lettre (au quinzième siècle). Ces « grotesques » tout en arabesques paraissent logiquement issus, en catimini, de l’écriture à la magnifique calligraphie virevoltante… À noter aussi une salle consacrée à la piété populaire, exposant des reliquaires en papier roulé (anticipant sur tant de reliquaires d’artistes modernes), des bannières de procession, des sous-verre naïfs, et plus particulièrement une photo montrant une statuette archaïque, très émouvante, d’une femme nue plongée dans un baquet et dont on ne voit que les seins et le nombril, statuette qui est placée usuellement dans une petite loge sous la statue d’une Vierge du dix-septième siècle dans la chapelle de Notre-Dame-du-Fraysse à Bournazel (Aveyron), Cette chapelle fut longtemps l’objet de cultes d’origine païenne (femmes enceintes) et de vœux consécutifs à une épidémie qui avait décimé le village en 1772.

Musée d'art populaire du Rouergue
Le Musée d’art populaire du Rouergue

Mais achevons la visite du musée départemental. Toujours dans la salle d’art populaire religieux, on peut remarquer un immense et singulier christ en bois, des ex-voto en cire, une croix en bobines de fil de fer peint en noir, etc. Enfin, à signaler une intéressante exposition temporaire qui se tenait à l’époque de ma visite sur les instruments de musique populaire bricolés ingénieusement à partir de matériaux naturels (sifflets, flûtes, percussions diverses avec des éléments végétaux… ).

Au musée Joseph Vaylet, se joue une autre musique… Un flou artistique et une excentricité passée de mode y règnent en maîtres. Excentricité désuète qui est à l’image du fondateur du musée, collectionneur maniaque, poète occitan, druide (écho sans doute de l’ancienne mission que s’était donnée l’Académie celtique sous le Premier Empire de sauvegarder le patrimoine folklorique au nom d’une idéologie nationalitaire ; cf. ce qu’en dit Jean Cuisenier dans son livre récemment paru, La Tradition Populaire,P.U.F.. Paris, 1995), félibre, et même majoral du Félibrige (ce mouvement fondé en 1854 par Frédéric Mistral et six autres intellectuels occitans se donnait pour tâche de maintenir et faire connaître la langue d’oc ; un majoraI était un rang hiérarchique)… Surtout. conscient des risques de disparition des dernières traces de la civilisation rurale rouergate à plus ou moins brève échéance, Vaylet eut très tôt l’idée de constituer un musée qui conserverait ces traces, ces centaines d’objets, témoins du folklore rouergat, qu’il accumulait dans le plus grand désordre chez lui. En fait, son désir est né pendant les années 40. Sa biographe, Marie-Paule Grégoire 3, signale qu’il reçut en 1943 la visite d’un « chargé de mission aux musées nationaux ». Le régime pétainiste, on le sait, encourageait à l’époque les initiatives visant à exalter les cultures liées au terroir, car il voyait dans le monde paysan une catégorie sociale que l’on pouvait présenter au reste de la population comme un modèle de Français « authentiques », aussi enracinés dans le sol que les plantes qu’ils faisaient pousser, caste mythiquement nourricière que le régime opposait à une caste de fantasmatiques parasites venus de l’étranger. Les cultures populaires ont longtemps souffert de ces interprétations nationalistes et totalitaires. La visite du délégué pétainiste ne porta apparemment aucun fruit puisque Vaylet n’ouvrit en effet les portes de son premier musée (installé dans son propre appartement) qu’en 1954. II y en eut finalement trois, et c’est le troisième qu’on peut visiter aujourd’hui. Ouvert dans ce qui est à la fois une ancienne église et une ancienne mairie, il lui fut offert par la municipalité et le département en 1976. C’est donc le musée d’un seul homme qui, bien que disparu à présent (Joseph Vaylet est né en 1894 et mort en 1982), imprègne encore fortement de sa marque l’atmosphère du lieu. Le désordre était assumé comme tel par le conservateur qui le mit plus d’une fois à l’honneur dans ses vers de mirliton. Il est à souhaiter que ce désordre et la désuétude de ce petit musée de province plein de trésors cachés se maintiennent durablement tant a de charme la visite dans ces conditions. Les visiteurs ont ainsi l’illusion d’exhumer eux-mêmes ces trésors…

Joseph VayletJoseph Vaylet

Qu’y trouve-t-on ?

L’art populaire de soldats par exemple : boîtes à pharmacie, gourdes en bois ciselé, croix faites avec des balles (saisissante alliance du sabre et du goupillon !), douilles gravées de fines arabesques… Au détour d’un couloir, on tombe ensuite sur une collection de fers à repasser qu’aucune transition ne relie à ce qui l’a précédée. Puis une collection de minéraux rares ramassés en vallée d’Olt. Non loin, se dressent des bustes en bois naïfs sans indication d’origine. À l’entrée du musée, des vitrines exposent des centaines d’objets variés (inévitables sulfures !) et sont elles-mêmes surmontées d’autres objets, impossibles à examiner, placés trop haut, couverts de poussière… Dans cette même entrée cependant, se trouve sans conteste l’objet le plus étonnant du musée, une « chemise conjugale » en toile de chanvre ou de lin, d’aspect fort rugueux, du type de celles que revêtaient les paysannes d’autrefois (jusqu’à très récemment) pour dormir avec leurs époux. Pour dormir… et accomplir l’acte ! La chemise est percée d’une fente brodée au fil rouge en son pourtour et surmontée de l’inscription, elle aussi brodée en rouge : « Dieu le veut »4… De quoi sacrifier à la bagatelle avec entrain en somme… De plus, comme l’explique lui-même Joseph Vaylet dans l’opuscule qu’il a consacré à la chose (La Chemise Conjugale, historique et anecdotes, « vendu au profit du musée », 1985 ; à noter d’autres opuscules de Vaylet, assez réjouissants, comme La Bouse dans le folklore -Ed.Imprimerie du Sud-Ouest, Toulouse, 1977, et aussi La Dent dans le folklore, L’Âne dans le folklore, etc.), les chemises étaient si raides qu’il devenait fastidieux de les retrousser. Dès lors, on voit bien que la fente avait son utilité… Elle permettait aussi aux jeunes mères de mettre les pieds de leurs nourrissons au chaud quand elles allaitaient ! Vaylet relève dans son petit livre différentes locutions qui ont servi à désigner la particularité de cette chemise, comme « le trou du bonheur » (dans « les familles aisées du Maine-et-Loire »), ou le « carrefour des enfants perdus », toutes deux fort poétiques…

AuvergnatAuvergnat

Les différentes salles du musée sont assez obscures. On a l’impression de se déplacer dans les cases de la mémoire, vaste marché aux puces. Entassement semé de méchants bouts de papier rédigés à la main, fantômes de légendes. Des quenouilles, des fuseaux à laine, des outils de tanneur, une roulette de dentiste à pédale paraissent là pour tenter un poète à la Lautréamont (« beau comme un parapluie et une machine à coudre réunis sur… »). Plus loin : des pièges à rat et à loup, un appareil à enfumer les abeilles, des reliquaires en papier roulé, des crucifix domestiques, dont un en os. Au détour d’un autre couloir, on tombe sur une petite peinture assez léchée représentant une femme très en chair (vénale ?) ; et puis, une applique sculptée à l’effigie d’un cerf, une couronne de mariée (les cornes comme conseil charitable avant le mariage ?), un ange, un faucon crécerelle empaillé, de vieux appareils photo, des phonographes, d’antiques machines à écrire, un plat à barbe avec, écrit au fond : « Ne confie à personne les fautes de ta femme : c’est cracher en l’air ». De nouveau des objets naïfs, des petites têtes dont un Napoléon (on sait la fascination qu’il a longtemps exercée sur les artistes populaires de toutes époques ; voir par exemple la statue que le sculpteur autodidacte François Michaud lui a consacrée dans son village de Masgot dans la Creuse), un battoir pour mariée (suite logique des cornes), un couple d’Adam et Ève (la malédiction originelle… ), un coffret à secret, un moine priant, une canne avec un serpent très récente (1988), des objets minuscules sculptés par des bergers, œuvres de patience (sabots, araires, bœufs attelés à une charrette, accessoires pour faire le fromage dans les burons, etc). On trouve aussi des pipes, des outils de fumeur et bien entendu les incontournables masques africains (mais pas de raton-laveur). Plus loin encore, une girouette. Au sein de la reconstitution d’un intérieur rouergat, encombré de vitrines bourrées de documents et de livres accumulés par Vaylet, on découvre un socle cubique qui supporte un clou rouillé. Une légende livre le fin mot de l’histoire: « Au musée / Qu’est-ce que ce clou? – C’est le peigne de Charles le Chauve ». On sourit et on passe. C’est alors un squelette sculpté dans le bois par un autre berger qui retient l’attention (le crâne est posé non pas sur un coussin mais sur un peigne à carder !). Dans une niche, on découvre une très belle statue naïve, représentant un Auvergnat aux dires de l’auteur du livre intitulé comme de juste Les Auvergnats, statue qui figure sur une photo de Robert Doisneau qui servit d’illustration à l’affiche d’une de ses expositions en 1978 au musée Nicéphore Niepce de Châlons-sur-Saône (sur cette dernière photo, en outre, on peut voir, posant à côté d’elle, Joseph Vaylet himself).

Terminons ce tour du musée forcément rapide en signalant qu’à l’étage se trouve une étonnante collection de bénitiers en porcelaine, albâtre, biscuit, la plupart très naïfs, ainsi qu’en faïence, bronze, verre soufflé, argent ou étain, provenant de Bretagne mais aussi d’ailleurs comme par exemple Nevers.

En sortant du musée Joseph Vaylet, vous pouvez, si le cœur vous en dit, aller jeter un coup d’œil au musée… du scaphandrier, qui le jouxte de façon totalement inattendue.

Bruno Montpied
Gazogène n°14-15

1. Il s’agit de Salvannah, architecte plus connu pour la construction de la cathédrale de Rodez. Il construisit l’église de Saint-Côme de 1522 à 1532.

2. Les historiens de l’art populaire du reste, Ernst Schlee par exemple, dans L’Art Populaire en Allemagne, Office du livre, Fribourg, 1980, s’accordent à faire débuter ce que l’on appelle l’art populaire au seizième siècle.

3. Marie-Paule Grégoire, Joseph Vaylet, majoral du Félibrige. Éditions Musée Joseph Vaylet, Espalion, 1981.

4. À signaler que dans le livre de Jacques Dubois et de Robert Doisneau, Les Auvergnats, où une photo de Doisneau montre la dite chemise, les auteurs jugent « l’authenticité » de l’inscription « douteuse »…


L’art des tombes dans l’ex-Yougoslavie

Un Art Populaire disparu…

L’art des tombes dans l’ex-Yougoslavie

par Douchan Stanimirovitch

La troisième mort de l’art populaire de Yougoslavie ! Déjà, dans cet article que nous reproduisons à partir du n° de Septembre 1974, XXVIIè année du Courrier de l’UNESCO, cet art tombal était en voie de disparition ! Qu’en est-il aujourd’hui où la ligne de front entre Serbes et Bosniaques est à quelques dizaines de kilomètres ?

Pierres tombales serbes : art populaire...
Pierres tombales serbes : art populaire…

UN ART POPULAIRE A PRÉSENT DISPARU

Quand les Serbes restituaient sur les pierres tombales l’image naïve et familière des vivants
par Douchan Stanimirovitch

L’art de vénérer ses morts a certainement existé chez les Slaves du Sud lorsqu’à l’état de nomades ils envahirent les Balkans pour peupler les régions qui furent fortement marquées par l’influence hellénistique et par la présence romaine. Les vestiges de cet art se trouvent sous forme de tombes en bois, sculptées et ornementées, dont on voit des exemplaires au musée ethnographique de Belgrade.

Par quel miracle la pierre a-t-elle été substituée au bois ?

Est-ce la transformation d’une civilisation nomade en une civilisation sédentaire qui impose la permanence de la pierre ?Ou fut-ce consécutif à un contact avec des bâtisseurs et des tailleurs de pierre ? Cette substitution est déjà dominante aux 14e et 15e siècles, surtout en Bosnie sous forme de monuments bogomiles, et à un degré moindre en Serbie, ces pierres tombales étant sculptées et comportant dans la majorité des cas la représentation de la figure humaine.

Quoi qu’il en soit, on assiste ensuite à une éclosion brusque. et étonnante d’un art ayant pour objet les pierres tombales, dès le début du 19e siècle, art qui va se poursuivre tout le long de ce siècle en y atteignant son apogée. Puis Il continuera encore à se manifester au début du 20e siècle, pour pratiquement disparaitre de nos jours à quelques exceptions près.

Cette manifestation prendra naissance au centre de la Serbie.La région privilégiée où cet art se trouve concentre est située dans la Sumadija, au sud de Belgrade, englobant les villes de Kragujevac, Cacak, Ivanjica et Titovo Uzice.
L’apparition de cet art ne constitue pas un phénomène isolé et elle ne se limite pas à quelques endroits épars. Elle intéresse tous les villages et bourgades de Sumadija dépassant parfois les limites de ce centre privilégié. C’est un art qui consiste à représenter ceux qui ne sont plus, et à en perpétuer le souvenir en précisant ce qu’ils furent et ce qu’ils ont fait, en recourant simultanément au ciseau qui taille la pierre et au pinceau qui dépose la couleur.
On y retrouve les personnages, les objets qui les accompagnent, les attributs de leur métier ou de leur profession et très souvent, sur un côté de Ia stèle, l’arbre de la vie qui jaillit d un pot de terre pour se terminer par une frondaison que picore une colombe représentant l’âme du défunt. Mais l’art de reproduire la vie se trouve dépassé et relégué au second plan tant parfois la vérité psychologique se fait pressante. Une coquette vous observe, le pessimiste aux commissures des lèvres abaissées évoque l’éternelle déception. Ailleurs, la contemplation et la vie intérieure rayonnent à travers les paupières abaissées. Et les soldats surgissent sans cesse, par groupe ou isolés, figés dans leur garde-à-vous éternel.
Toute une humanité est ainsi représentée : Immobile en apparence, qui ne se préoccupe plus, ni du salut de l’âme. ni des désirs du corps.

 tombe serbe...
Tombe serbe…

L’originalité de cet art est incontestable et sa diversité stupéfiante. Il s’apparente évidemment à un art populaire authentique, issu de la paysannerie. Un esprit attentif et curieux pourrait se faire aujourd’hui une idée de l’évolution de la société serbe qui a passé progressivement de la paysannerie à la vie citadine, en recourant aux points de repères que constituent ces pierres tombales.

D’où vient la qualité de cet art particulier que l’on aurait tendance, a priori, à traiter de mineur ? On est obligé de constater que l’on est en présence de véritables maîtres qui ont su œuvrer d’une façon originale tout en faisant preuve de spontanéité. Il s’en dégage une émotion, parfois contenue, toujours présente, et quelquefois teintée d’humour. On ne devrait pas en être surpris parce que chez ce peuple serbe a toujours existé un besoin inné de durer et d’exprimer sa volonté de permanence.
Ceux qui furent doués, même dans une société paysanne fortement limitée en possibilités, ont trouvé, par vocation, un champ d’application de leur besoin de création dans cette statuaire peinte, humble, attachée au sol, liée aux coutumes de la vie quotidienne. On s’explique ainsi leur richesse et leur diversité,

Mais le développement de la civilisation citadine a entraîné une mutation dans les sources d’inspiration de ces artistes dont le métier se substitue progressivement à la vocation; et les quelques rares professionnels qui taillent des pierres tombales et qui opèrent encore aujourd’hui n’ont ni la sobriété dans la maitrise technique, ni la fraîcheur d’inspiration, ni la spontanéité des anciens maîtres.

Ces pierres tombales, dans la majorité des exemples, sont traitées en bas-relief. À la limite et dans certains cas, on se contente d’un trait simple creusé sans recourir au modèle . Toutefois, il existe quelques pierres tombales taillées en ronde bosse, mais elles sont très rares.
Il est très probable que la pierre a été initialement du marbre blanc, provenant des carrières de Studenica où il y avait depuis des temps anciens des tailleurs de pierre réputés dans tout le pays. Étant donné le grain très serré du marbre, la peinture, dont on peut trouver néanmoins des traces à l’examen attentif, n’a pas tenu. On a ensuite utilisé une pierre fortement poreuse constituée d’un conglomérat de grains fins. Cette pierre présentait l’avantage de se laisser travailler plus facilement que le marbre, de s’imbiber des couleurs qui ont pu ainsi être conservées. Elles ont acquis, à travers le temps et les intempéries, une patine merveilleuse. Dans d’autres cas, la pierre poreuse comporte un à-plat à porosité plus fine qui sert de support à la couleur.

Certaines pierres tombales comportent des sentences, des maximes, la description des circonstances de la mort du défunt, les particularités de son caractère. Nous en donnons quelques-unes à titre d’exemples.

• Hélas ! je suis comme une fleur attristée qui a fleuri trop tôt et qui s’est vite fanée, comme une rose sous le soleil ardent.
• Loin de chez moi, les fleurs serbes ne fleuriront pas sur ma tombe. Dites aux miens que je ne reviendrai jamais.
• Il fut tué malgré lui par la main du gendarme en présence des autorités. (II s’agit d’une exécution, ce qui est exprimé elliptiquement.)
• Approche-toi, frère aimé et voyageur, je ne t’en veux pas. Regarde où repose ma jeunesse.
• Ici repose calmement Kruna, première épouse de Ljubomir Tedic. Fatiguée. elle a voulu prendre du repos. Qu’elle nous pardonne d’avoir péché. L’époux éploré Liubomir et sa seconde épouse Ljubovanka.
• Je me repose ici, tandis que tu me regardes, Je voudrais que tu sois à ma place afin que ce soit moi qui te regarde.

Aucun désespoir ne se dégage de ces pierres tombales, où transparaît néanmoins une certaine mélancolie, beaucoup de sérénité, une acceptation résignée du sort qui fut parfois injuste, une certaine philosophie simple de la vie et de l’humour.

Ces œuvres sont en train de mourir à leur tour d’une seconde mort sous la menace des intempéries.

Douchan Stanimirovitch
Gazogène n°14-15


Bruno Montpied

Miroir de l’immédiat

Jean-Claude Caire, le bon Docteur Caire de Salernes dans le Var, l’inlassable animateur du Bulletin des Amis d’Ozenda, lorsqu’il parle de moi, toujours avec bonté et bienveillance, je m’empresse de le préciser, m’impute parfois un prétendu goût du pèlerinage forcené, par monts et par vaux, de la France singulière (dans son texte de présentation de l’exposition Art Singulier qui s’est tenue en 1991 à la Galerie Doudou Bayol à Saint-Rémy-de-Provence).

Je voudrais rectifier quelque peu le tir et réfuter ce mot de pèlerinage qui ne me para1t pas idoine, concernant mes activités. Ce ne sera, on le devine, qu’un prétexte de plus à un rappel de certains principes personnels…

Je n’adore aucun dieu. Je ne révère aucun saint (hormis peut-être saint André Breton, comme on révère un ami particulièrement estimé, à qui l’on passe facilement ses défauts, au reste assez bénins). Je ne pars pas sur les routes en quête d’un quelconque Saint-Jacques de Compostelle de l’Art Brut. Le Musée d’Art Brut de Lausanne n’est pour moi pas un temple.

Plus exactement, il s’agirait de réunir de façon acharnée, obsessionnelle -je veux bien l’admettre – les différents morceaux d’une tapisserie que je suis seul (un de mes problèmes est de déterminer si je suis effectivement seul) à envisager. D’un puzzle qui serait comme la carte du territoire de la vie enfin réelle, à la poésie enfin réalisée. Il ne s’agit pas d’une vision mystique. Les morceaux du puzzle sont bien réels, étranges et énigmatiques certes, mais réels, si réels, à un tel point de surréalité (superréalité) que les hommes – les nains – guettent sans cesse le moment propice pour les faire retourner au néant (faibles hommes !). Les morceaux du puzzle, les lecteurs qui me connaissent l’auront compris, ce sont toutes ces créations marginales, plus ou moins spontanées, individualistes, qui se dressent sous le soleil un peu partout en France, à des degrés d’ampleur très variables selon les cas.
Palais de facteur Cheval, ou statue anonyme abandonnée à la croisée des chemins. Girouette cabossée des îles bretonnes ou jacquemart naïf au coin d’une maison cantalienne. Derniers rites populaires de nos campagnes, calvaires minuscules rongés par le temps, poupées d’exorcisme façonnée par des mains et une âme frustes, graffitis pieusement sauvés de l’oubli des siècles, ifs taillés pour donner au végétal l’illusion du mouvement, épouvantails, grottes sculptées, les enchantements sont sans nombre, mais émiettés, dispersés, ignorés, occultés, censurés, involontairement ou volontairement par la majorité des hommes, sans parler des institutions dont c’est la fonction de figer l’enchantement, et donc de le tuer.

Pour leur redonner force, à ces enchantements, à ces merveilles qui nous dispenseraient de gâcher nos vies comme nous le faisons pourtant tous les jours, il faut aller les voir, les photographier, les noter, les commenter, les archiver, les rassembler, les publier, les éditer, en parler dans des conférences, susciter l’intérêt d’autres passionnés, pousser à ce qu’on en parle, créer des engouements, et dans ce but, ne pas hésiter à créer des mythes, des légendes…
Rien à voir avec des pèlerinages. Il ne s’agit pas d’édifier une nouvelle religion. Il s’agit de poésie. Poésie construite dans la vie quotidienne, cette grande persécutée à qui je voudrais, par une activité acharnée, rendre tous mes hommages.

Il ne s’agit pas seulement d’œuvres à sauver de l’oubli, mais aussi d’hommes à rencontrer, à mettre les uns avec les autres en relation, autour de ces œuvres. Ces dernières ne proposent pas une contemplation-consommation vivante comme une technique menant à l’extase. Elles délivrent un message, non forcément explicite, introduisant à un dialogue placé à un niveau sous-jacent, caché sous notre perception quotidienne des choses et de la vie. L’œuvre d’art, particulièrement l’œuvre d’art populaire inventive, remet le discours à la bonne heure. Elle corrige le cours des choses.

Je n’ai pas en vue, disant cela, de mettre l’œuvre d’art sur un piédestal, de la vouloir langage exclusif, qui détrônerait dans une société utopiste le langage ordinaire. Elle vient essentiellement contrebalancer nos dialogues ordinaires, elle apporte l’éclairage oblique qui creuse les contours de notre représentation du monde… Un village rencontré n’est plus le même, si on vous le montre, à côté, photographié ou peint (que ce soit de façon illusionniste ou de manière déstructurée).
L’œuvre d’art populaire, par sa passion de la stylisation, de la simplification des formes, apporte à l’art une passion de faire.voir au plus près l’émotion primordiale, primaire, ressentie à éprouver tous les phénomènes de la vie. Pour cette raison, elle dialogue encore plus intimement avec notre appréhension quotidienne de la vie. Elle est le miroir le plus immédiat dont nous avons besoin dans la société moderne, dont la grande ambition artistique (depuis le début du siècle avec Dada, le cubisme, le futurisme, le surréalisme, puis, après la Seconde Guerre Mondiale, les Situationnistes et l’Art Brut) est d’avoir rêvé la transfusion de l’art dans la vie quotidienne (déjà Rimbaud.n’est-ce pas…)

Qui parlait déjà de pèlerinage ?

Bruno Montpied 12-8-1992
Gazogène
n°05


« Pisseurs », piquets sculptés, Bartholomé Andres…

Les Piquets sculptés...

Les Piquets sculptés...

CE SAMEDI-LÀ, JE RENCONTRE DES AMIS SUR LE MARCHÉ. NOUS VOILA RAPIDEMENT À LA TERRASSE DU SEUL CAFÉ ENSOLEILLÉ DE LA PLACE DE LA CATHÉDRALE. À CÔTÉ DE NOUS, DES ÉTALAGES DE FRUITS, DE LÉGUMES… DES HOMMES PASSANT EN TENANT DES POULETS VIVANTS PAR LES PATTES, DES FEMMES AUX VIEUX CABAS DE TOILE CIRÉE NOIRE PAS ENCORE REMPLACÉS PAR L’HORRIBLE « CADDIE »… ÇA GROUILLE, ÇA VIT, ÇA PARLE… C’EST TELLEMENT VIVANT DU RESTE QUE LA MUNICIPALITÉ VEUT DÉPLACER CE MARCHÉ ET LE FLANQUER TOUT EN HAUT DE LA VILLE, SUR UNE GRANDE PLACE VENTEUSE, DEVANT L’ANCIENNE CASERNE. VOUS COMPRENEZ, ÇA FAIT BEAUCOUP DE SALETÉS. J’AI MÊME LU UNE AFFICHETTE UN JOUR : «MORALISONS LE MARCHÉ» ! BREF, ME VOILÀ ATTABLÉ AVEC DANY ET ALAIN FOUCLET. CE DERNIER SE SOUVIENT QUE PLUS DE 15 ANS AUPARAVANT, LORSQU’IL HABITAIT À SONAC EN AVEYRON, IL AVAIT PHOTOGRAPHIÉ LES SINGULIÈRES CRÉATIONS D’UN PERSONNAGE LUI-MÊME SANS DOUTE FORT SINGULIER PUISQUE SON ACTIVITÉ CONSISTAIT À SCULPTER LES PIQUETS DES CLÔTURES… EST-IL TOUJOURS VIVANT ? SES CRÉATIONS EXISTENT-ELLES ENCORE ? SURGIES DE NULLE-PART CES ŒUVRES SONT-ELLES RETOURNÉES AU NÉANT ? VOICI ENCORE UNE NOUVELLE PISTE POUR UNE NOUVELLE ENQUÊTE ?

OÙ SONT DANS TOUT CELA LES BARRIÈRES ENTRE L’ART SINGULIER ET L’ART POPULAIRE, COMME PARFOIS ENTRE L’ART MÉDIÉVAL ET L’ART BRUT ?

Les Pisseurs

JE ME SOUVIENS, DANS L’AUDE, EN BALADE AVEC FROMENT, D’UNE MARIANNE PEINTE EN BLEU-BLANC-ROUGE, PRÈS D’ENTREPÔTS À VINS DONT LES TONNEAUX S’ORNAIENT DE VISAGES PEINTS… MAIS LES HISTOIRES D’EAU NE SONT PAS MAL NON PLUS SI L’ON EN CROIT CETTE FONTAINE OU CETTE SCULPTURE : L’UNE SISE À SAINT-MACAIRE (LOT), L’AUTRE À LACAUNE-LES-BAINS (TARN). JE NE PEUX M’EMPÊCHER DE PENSER AU PISSEURS DE JEAN COMBARIEU ET PAR DELÀ À CEUX DE JEAN DUBUFFET DONT LES PERSONNAGES ME RENVOIENT À LEUR TOUR AUX POTERIES PEINTES DE GIROUSSENS…

"Pisseurs" à Lacaune-Les-Bains, poteries de Giroussens...

" Pisseurs" à Lacaune-Les-Bains, poteries de Giroussens...

Les piquets sculptés

ME VOICI ALLANT DÎNER CHEZ DANY ET ALAIN ET, À L’OCCASION, CHERCHER LES DIAPOSITIVES PRISES DE CES MYSTÉRIEUX PIQUETS SCULPTÉS ET PEINTS QUI REMONTENT EN FAIT À SEPTEMBRE 1975, AU LIEU-DIT SALVIAC-SAINT-LOUP, PRÈS SALVIAC EN AVEYRON.

OR, LA BOITE À DIAPOS IDOINE NE CONTIENT PLUS LES BONS CHARGEURS… UNE AUTRE SÉRIE DE PHOTOS, FORMAT 6X6 EST INTROUVABLE… PAR MIRACLE ALAIN RETROUVE DEUX DIAPOS QUE J’ENVELOPPE TRÈS SOIGNEUSEMENT DANS DES FEUILLES DE PAPIER BLANC… AU MOMENT DE PARTIR, LES DIAPOS SONT DE NOUVEAU INTROUVABLES… ET POUR CAUSE : EN SECOUANT LA NAPPE DANY LES A FAITES PASSER PAR LA FENÊTRE ! ! ! NON SEULEMENT IL PLEUT, MAIS ENCORE LES VOITURES PASSENT DANS LA RUE SANS SE SOUCIER DE DEUX PETITS MORCEAUX DE CARTON ET DE PELLICULE… IL N’EN RESTERA QU’UNE QUI, MALGRÉ SON ÉTAT LAMENTABLE AURA LES HONNEURS D’UN AGRANDISSEMENT ET DE GAZOGÈNE.

Fouclet : Piquets sculptés, 1975

Fouclet : Piquets sculptés, 1975

Bartholomé Andres

QUE CACHAIT DONC CET ACTE MANQUÉ ? A PRIORI, LE MIEN EST PLUS SIMPLE À ANALYSER : DEPUIS PLUS DE DEUX ANS JE DOIS ALLER VOIR, À PUY-L’ÉVÊQUE, BARTOLOMÉ ANDRES. IL FAIT DEPUIS QU’IL EST À LA RETRAITE DES SCULPTURES EN FER. CATHY DAVID AVEC QUI J’AI FAIT UNE MÉMORABLE EXPOSITION M’EN A LONGUEMENT PARLÉ : LA VOCATION DE BARTOLOMÉ ANDRES SERAIT NÉE DE SA RENCONTRE AVEC LE PEINTRE ET CRÉATEUR D’ORIGINE CATALANE SANTAMARIA, EXILÉ EN FRANCE ET INSTALLÉ À PRAYSSAC À L’OCCASIONDE L’INAUGURATION DE L’ATELIER DE CE DERNIER.
« ET MOI AUSSI JE PEUX EN FAIRE AUTANT ! » SEULEMENT COMME MONSIEUR ANDRES TRAVAILLAIT LA MENUISERIE ALUMINIUM ET LES STRUCTURES MÉTALLIQUES, IL DÉCIDA D’UTILISER CES MATÉRIAUX QU’IL CONNAISSAIT BIEN. MAIS « QUOI FAIRE ? » AYANT ACHETÉ TOUS LES LIVRES DISPONIBLES TRAITANT DU FER FORGÉ IL LES AURAIT ÉTALÉS DEVANT LUI ET SE SERAIT DEMANDÉ : « QU’EST-CE QU’ILS N’ONT PAS FAIT ? » (! ?) COMME QUOI CHAQUE CRÉATEUR SINGULIER A BIEN SA GESTE INVENTIVE INAUGURALE… MAIS NE VOILÀ-T-IL PAS QUE NOTRE BARTOLOMÉ ANDRES EXPOSE AU GRENIER DU CHAPITRE À CAHORS AVEC « LES ARTISTES LOTOIS ». IL Y PRÉSENTE UNE DE SES SCULPTURES TRÈS CURIEUSE ET SINGULIÈRE EN VÉRITÉ, ASSEMBLAGE MÉTALLIQUE PEINT EN NOIR ET ROUGE. JE DÉCIDE DE REVENIR LA PHOTOGRAPHIER ET VOIR SON CRÉATEUR POUR EN PARLER, ICI OU AILLEURS ,ET J’APPRENDS QUE CETTE OEUVRE VIENT DE RECEVOIR LE « GRRRAND PRRRIX DU JURRRY DES ARRRTISTES LOTOIS… »

J’AI OUBLIÉ DE REVENIR PRENDRE MA PHOTO…

Jean-François Maurice
Gazogène n°03


En balade avec Nanou : art populaire, l’Île d’Yeu…

En balade avec Nanou

UN COUP DE TÉLÉPHONE : C’EST « NANOU ». NOUS NOUS VOYONS AU MOINS DEUX FOIS PAR AN, DONT UNE À L’OCCASION D’UN SALON À LA ROCHELLE. EN UN MOT COMME EN MILLE, ELLE A VU SUR L’ILE D’YEU UN SITE D’ART POPULAIRE… DES STATUES, MAIS SURTOUT DES CONSTRUCTIONS, DES MISES EN SITUATION ; SANS COMPTER LES TRADITIONNELS MOULINS, MAIS AUSSI UNE REPRODUCTION DE 4L RENAULT… C’ÉTAIT EN SEPTEMBRE, MAINTENANT C’EST BIENTÔT LA TOUSSAINT. AUSSITÔT DIT, AUSSITÔT FAIT, ME VOILÀ QUELQUES JOURS APRÈS DANS MA VOITURE.

Dubuffet, Raymond Guitet, Lucien FavreauDubuffet, Raymond Guitet, Lucien Favreau

DE CAHORS, DIRECTION ROCHEFORT-SUR-MER ? J’EN PROFITE AU PASSAGE POUR JETER UN COUP D’ŒIL SUR LE PETIT JARDIN ZOOLOGIQUE DE RAYMON GUITET À SAUVETERRE-DE-GUYENNE. J’AI LE PLAISIR DE CONSTATER QUE, CONTRAIREMENT À MA VISION PESSIMISTE, LE JARDIN EST NON SEULEMENT FAUCHÉ DE FRAIS ET ENTRETENU, MAIS ENCORE FIGURE SUR AU MOINS DEUX CATALOGUES ÉDITÉS PAR LE SYNDICAT D’INITIATIVE ! COMME QUOI, TOUT PEUT ARRIVER, ET RAYMON GUITET DOIT BIEN RIGOLER DANS SA TOMBE !

REMONTANT TOUJOURS NORD-NORD-OUEST, JE VAIS À LA RECHERCHE DU JARDIN EXTRAORDINAIRE DE LUCIEN FAVREAU, DU CÔTÉ DE CHALAIS. UNE PANCARTE EN BOIS SIGNALE LA DIRECTION À PARTIR DE LA GRAND-ROUTE. ICI, TOUT EST ENCORE EN PLACE. JE SUIS SÛR QUE L’ON M’OBSERVE DE LA MAISON VOISINE. MAIS PERSONNE NE SORT. JE PHOTOGRAPHIE DONC TOUT À MON AISE… ENFIN, PRESQUE ! PETIT À PETIT, UN CERTAIN MALAISE VOUS PREND À DÉAMBULER AINSI AU FIN FOND DES CHARENTES. OU AILLEURS, CAR J’AVOUE AVOIR DÉJÀ ÉPROUVÉ UNE IMPRESSION ANALOGUE AUX FOLIES SIFFAIT DANS LA RÉGION NANTAISE ET DANS LA CAMPAGNE PRÈS DU « MUSÉE DE L’ART CRU » DE MONTETON, DANS LES ALENTOURS DE DURAS. ET CE NE SONT NI BRUNO MONTPIED, NI JOE RYCZKO QUI ME CONTREDIRONT ! D’AUTANT QUE CE SITE EST EN RÉALITÉ MAINTENANT UN VÉRITABLE MAUSOLÉE, POUR NE PAS DIRE UNE NÉCROPOLE, OÙ REPOSE SON CRÉATEUR.

Jean-François Maurice
Gazogène n°03