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Claude Massé, le « papa » des Patots

Le « papa » des Patots

par Jean-François Maurice

Claude Massé : le papa des Patots.Un Patot de Claude Massé

Me voici un jour visitant une Exposition à Montauban organisée sous la houlette de Paul Duchein. J’y vois une œuvre qui aussitôt m’attire : un Patot ! Il faut vous dire qu’à l’époque je découpais des bouchons de liège pour composer des Tableaux, sortes de saynètes baroques et improbables qui me semblaient à moi-même étrangères.

Cette unique œuvre de Claude Massé au milieu de l’immense musée Ingres suffit à mon bonheur.
S’ensuivit une correspondance.
Avec des hauts. Et des bas.
Je dois avouer que le demandeur, c’était moi. Demande d’article pour la Revue de la Création Franche, demande de renseignement sur ses souvenirs concernant Dubuffet, sur son père, leurs correspondances… Car avant d’aimer les œuvres du fils, j’avais dévoré celles du Père, bien qu’il me semble que Ludovic Massé était fort peu lu en cette fin des années soixante. Mais j’avais eu la chance que mon propre père ait aimé Le Mas des Oubels comme l’atteste encore sa signature figurant sur la page de garde du volume fatigué de la Collection Séquana, car seuls les ouvrages qu’il avait relu avec plaisir portaient cet ex-libris. De ce fait d’autres titres de Ludovic Massé, publiés par L’Amitié par le Livre si je me souviens bien, figuraient sur d’humbles rayonnages. Avec le recul du temps, je découvre d’étranges points communs entre mon père et l’auteur du Vin Pur : l’intransigeance républicaine n’est bien souvent que le masque qui canalise un bouillonnement libertaire…

Mais ici, c’est de Claude Massé qu’il s’agit ! Eh ! Certes ! Mais n’étant pas un critique d’art professionnel, on m’excusera, je pense, de rechercher sous les yeux de mes lecteurs le pourquoi de cette émotion qui m’a saisi devant les Patots de Claude Massé. Nous autres, qui ne sommes pas des « artistes bruts » au sens authentique donné à cette expression par Jean Dubuffet, nous prétendons rompre avec toute filiation de l’art « officiel » et avec « l’Asphyxiante culture ». Et, de surcroit, nous nions bien souvent être véritablement « pères de nos œuvres » selon la formule consacrée. Cette dénégation n’est-elle pas le signe qu’il nous a fallu accomplir, et le parricide, et le travail du deuil ?
Reste ce point commun réel entre Claude Massé et moi : le liège. Et celui qui n’a pas travaillé ce matériau ne sait pas de quoi l’on parle. Un Gironella le sait encore, lui. Aujourd’hui, Claude Massé. Comment est-il possible de rendre si expressifs tant de personnages ? De les individualiser comme dans une caractérologie infinie ?

Est-ce l’habitude de travailler une matière si tendre et si rebelle qui a fourni ces collages/découpages/entrelacs présentés maintenant ? À moins que la gestuelle répétitive ne joue aussi son rôle ?

J’ai plaisir encore à trouver une filiation imaginaire entre les enveloppes décorées de découpages formidablement inventifs de Pierre Pascaud, celles d’Alain Pauzié, et de Claude Massé. En cette époque où explose un « Mail Art » de commande et de pacotille, un mouvement « collagiste » tout azimut, il est bon de trouver quelques repères au delà des modes. Claude Massé, grand demi-frère lointain, en est un. Je ne puis lui rendre plus grand hommage.

Jean-François Maurice
Gazogène n°16